Pendant longtemps on a boudé l’Afrique et sa sécheresse éternelle afin de se concentrer sur son petit nombril frais à l’abri des tempêtes. Je suis content de constater que ce temps est en voie d’instinction. Je suis content de voir que maintenant on est capable de voir plus loin qu’au bout de son nez.
Haïti a été décoiffée cette semaine et je suis content de voir Tiger Woods envoyer un avion-hôpital, de voir les Yankees ramasser des fonds spectaculaires, de voir Obama et Sarkozy mettre la main à la pâte pour faire de leur mieux, de voir Luck Mervil organiser un concert bénéfice, de voir les gouvernements du Québec, du Canada, de la Chine, du Japon, de l’Australie et bien d’autres débloquer des fonds pour les haïtiens et de voir le Canadien de Montréal offrir son aide financière au pays sinistré.
Ne serait-ce que pour préserver le délicieux riz aux haricots rouges et le poulet aux clous de girofle, pour que George Laraque cesse de chialer ou parce que vous trouver que Bruni Surin court vite, je vous demande très sincèrement de faire un don pour Haïti, même un petit 5$ peut changer les choses.
Comme je ne suis pas assez convaincant, je laisse l’auteur Dany Laferrière vous convaincre.
Du balcon de l’hôtel
je regarde Port-au-Prince
au bord de l’explosion
le long de cette mer turquoise.
Au loin, l’île de la Gonçave
comme un lézard au soleil.
[…]
Je ne veux plus penser.
Simplement voir, entendre et sentir.
Et tout noter avant de perdre la tête,
intoxiqué par cette explosion de couleurs
d’odeurs et de saveurs tropicales.
[…]
Ma mère ne se baigne pas
dans le fleuve de l’Histoire.
Mais toutes les histoires individuelles
sont comme des rivières qui la traversent.
Elle conserve dans les replis de son corps
les cristaux de douleur de tous ces gens
que je croise dans les rues depuis mon arrivée.
Douleur.
Silence.
Absence.
Voilà qui n’a rien à voir
avec le folklore.
Mais de cela
on ne parle jamais
dans les médias internationaux.
Dany Laferrière, L’énigme du retour (prix Médicis), Boréal, 2009.